GRÈCE: LE TEMPS VENU DE QUITTER L'EURO ?

Publié le par David THÉODORE - Journal de l'actu

Pour certains spécialistes, notamment étrangers, le nouveau plan d'aide proposé à Athènes vise avant tout à sauver les banques étrangères, et non le peuple grec.


La faillite et le départ de la Grèce ont toujours paru l'issue la plus probable de la crise qui frappe la zone euro. Le fait est que l'Union économique et monétaire (UEM) elle-même est un échec, au premier chef parce qu'elle a creusé un fossé insupportable entre le cœur de la zone et la périphérie. Deux "Europes" au sein d'une même union. Pour les pays périphériques, l'appartenance à l'UEM est probablement une source de stagnation et d'inégalité des revenus. Pour la Grèce, elle constitue déjà un fiasco historique. D'ailleurs, en France certains l'ont bien compris comme M. Mélanchon.


Le pays s'est retrouvé, en 2009-2010, face aux mêmes difficultés que connaissait le reste de la périphérie, à savoir : lourd endettement public et privé, faible compétitivité, énormes déficits des paiements courants et déficits publics galopants. L'Union européenne (UE) a réagi de manière inepte : elle a proposé à Athènes un soi-disant plan de sauvetage, mais a soumis ses prêts à des taux d'intérêt de 3 % à 4 % supérieurs à ceux payés par l'Allemagne. Elle a exigé la mise en place d'un plan de rigueur brutal, qui a entraîné une baisse du revenu national de 4,5 % en 2010 et sans doute de 4 % cette année.


Tout le monde comprend bien que pour la Grèce, il ne faut pas s'endetter davantage à des taux prohibitifs et de subir une baisse de ses revenus. Or, le plan de restructuration ou plan d'aide comme on veut, est exactement cela! Et Comme il fallait s'y attendre, le plan de stabilisation s'est révélé catastrophique, n'atteignant pratiquement aucun de ses objectifs initiaux. Dans le cadre du dispositif actuellement en vigueur né de l'alliance de l'UE - Fonds monétaire international (FMI) - Banque centrale européenne (BCE) on s'attend à ce que la dette souveraine grecque soit équivalente à 200 % du PIB en  2015, contre 150 % aujourd'hui.

 

Le service de la dette coûtera 12 % du PIB, dépassant de loin les budgets consacrés à la santé et à l'éducation, tandis que le déficit de l'Etat représentera 15 % du PIB. Le pays fera inévitablement faillite. Les marchés financiers le savent pertinemment et ils refusent d'avancer un sou pour de nouveaux prêts privés. La "troïka" avait initialement prévu que la Grèce ferait son retour sur les marchés financiers en 2011, une fois que le plan de stabilisation aurait porté ses fruits. Mais, aujourd'hui, la crise a atteint son paroxysme.


La réaction de l'alliance est symptomatique du défaut systémique, intrinsèque à la zone euro. La Grèce va bénéficier d'un nouveau prêt important de 110 milliards, mais elle devra encore consentir à de nouvelles mesures d'austérité, notamment une diminution des salaires et des pensions de retraite, des suppressions d'emplois dans le secteur public, un alourdissement de la fiscalité et un programme massif de privatisations. Mais alors quelles conséquences pour la Grèce si elle accepte ces conditions ? D'après les calculs de l'alliance elle-même, en 2015 la dette souveraine atteindra 160 % du PIB, le service de la dette 10 % et le déficit public 8 %. Bref, la Grèce sera toujours en situation de faillite mais avec des indicateurs encore plus dans le rouge, une dette encore plus aggravée. Bref plus dans la panade.


Alors, pourquoi un nouveau plan d'aide? Il s'agit, en fait, de voler au secours des détenteurs d'obligations étrangers et d'accorder un sursis aux banques. Jean-Claude Trichet, le président de la BCE a travaillé en ce sens. En 2015, la Grèce se mettra en défaut de paiement, mais sa dette sera détenue pour l'essentiel par des créanciers publics, à savoir l'UE, la BCE et le FMI. Quand arrivera ce moment, les banques se seront désengagées et le fardeau retombera sur les contribuables européens. Quant à la Grèce, elle aura été écrasée et defaite par l'austérité, avec un taux de chômage officiel d'environ 15 %. Lorsque l'UE effacera la dette d'Athènes, comme elle devra le faire immanquablement, elle demandera des contreparties exorbitantes et coercitives allant peut-être même jusqu'à exercer ouvertement des pressions pour que la Grèce quitte la zone euro. Bref, un joug européen sévère et pour longtemps pour la Grèce.


Malheureusement pour l'alliance, cette fois-ci, les citoyens grecs ont compris à quel point ce qui leur est proposé est mauvais et dangereux pour eux. Ils sont également en colère contre leur classe politique, responsable en partie de tout ce marasme selon eux. Et ils sont furieux d'être calomniés de fainéants et de fraudeurs fiscaux : après tout, ils font de plus longues journées de travail que la plupart des autres Européens et, en tant que salariés [imposés à la source], ne sont pas en mesure d'échapper à l'impôt. La ligne jaune a été franchie il y a quelques semaines, semble-t-il, quand le pays a ouvertement envisagé l'option du défaut de paiement et de la sortie de l'euro.


Si cela se concrétise, ce sera un coup dur pour l'économie grecque. Mais les Grecs sont prêts à faire des sacrifices s'ils aperçoivent le chemin vers le redressement, mais que la politique de l'Union européenne leur refuse. Une formation politique qui promettrait la mise en œuvre du défaut de paiement et de l'abandon de l'euro, d'une manière démocratique et respectueuse de la souveraineté nationale, en faisant passer le peuple avant les banques, remporterait la mise. Quant à l'Union européenne, elle devrait faire face aux conséquences qu'aurait une telle décision pour les banques et pour l'UEM. Mais le challenge paraît bien difficile tant pour M.Trichet que pour son futur successeur M. Draghi.

 

Publié dans Économie

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